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LE CHIEN D’OR

mon époux ! ah ! c’est donc vrai que nous sommes à jamais séparés ? à jamais perdus l’un pour l’autre !… Ô ma tante ! je lui ai juré ma foi… je lui appartiens… je ne puis plus me séparer de lui !… Il sera à moi pour toujours… À moi dans le ciel !…

— Calme-toi, mon enfant ! Ma pauvre Amélie ! calme-toi, ou je ne te dirai pas tout.

— Tout ? vous ne dites pas tout ? Ah ! parlez, je serai calme. Tenez ! voyez comme me voilà raisonnable ! … j’écoute. Je ne dis plus rien…

Et la pauvre enfant cherchait à comprimer les rudes battements de son cœur, essuyait ses paupières humides, essayait de sourire même, malgré l’amertume de ses pensées.

— Il est venu pour te voir, reprit madame de Tilly.

— Ici ? fit vivement Amélie en pâlissant.

— Ici. Mais il n’a pas eu la permission d’entrer dans le parloir même.

— Il est venu pour me voir ! pour me voir ! répéta la jeune novice avec une émotion pleine de ravissement et de tristesse aussi pourtant…

Et ses beaux yeux levés au ciel roulaient de grosses larmes.

Elle ajouta presque aussitôt :

— Je serais morte de honte à ses pieds… Il valait mieux ne pas le recevoir sans doute… Mais pourquoi lui refuser cela ?

— La mère Migeon est juste mais sévère. Elle est la tante de Varin, et n’aime point les Philibert. Ton entrée au couvent cause un mortel chagrin à Pierre, ajouta-t-elle, car il sait ce que cela veut dire.

— Hélas ! pouvais-je faire autrement ? Oserais-je mettre dans sa main loyale, ma main souillée de sang ?… Mais il me pardonne ; il ne m’oublie point ; il m’aime encore ! Ah ! c’est une consolation qui me reste dans ma triste infortune !…

— Mes chères enfants, je vous quitte pour vous revoir bientôt, fit madame de Tilly en embrassant ses nièces.