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LE CHIEN D’OR

— Pauvres petites, vous pardonner !… Ah ! je voudrais aussi, moi, pouvoir m’enfermer dans le cloître avec vous, en ce jour de désolation !… Mais ma place est ailleurs et mon œuvre n’est pas finie !…

— Avez-vous vu Le Gardeur, tante, demanda vivement Amélie, en lui saisissant la main dans une étreinte douloureuse ?

— Oui, je l’ai vu et j’ai pleuré sur lui !… Sa douleur est mortelle. Il demande à passer par une cour martiale. Il veut s’accuser ! il veut expier !

— Ô tante ! et il aimait tellement le bourgeois ! Cela ressemble à un affreux cauchemar… Le Gardeur tuer le père de Pierre !… celui qui devait être mon père !…

Et elle se mit à sangloter, et elle demanda en gémissant :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! que vont-ils faire de lui ? Vont-ils le mettre à mort ?

— Non, Amélie, non. Le gouverneur va, d’après l’avis de ses plus intimes conseillers, et vu les circonstances étranges qui entourent son crime, l’envoyer en France, par le Fleur de Lys, qui part demain. Le roi lui-même prononcera. Il sera plus facile d’élucider cette affaire là-bas. Les factions sont trop puissantes ici :

Amélie se cacha le visage dans ses mains. Elle paraissait terriblement agitée, terriblement souffrante : C’était toujours un long répit, songeait-elle, et le roi serait juste… Il verrait que Le Gardeur a été poussé et qu’il a frappé en aveugle… Un roi, ça doit être juste comme Dieu !…

— Pourrai-je le voir avant son départ ? tante, demanda-t-elle.

— Hélas ! c’est impossible ! Le gouverneur est inflexible sur ce point. Il ne veut pas. Personne ne pourra communiquer avec lui.

— Ah ! je ne le verrai plus en ce monde ! s’écria-t-elle, je ne le verrai plus !

Et elle s’appuya sur Héloïse, car elle se sentait défaillir.