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le chien d’or

— Les roses n’ont pas fini de fleurir pour elle, repartit Angélique, et le destin est moins cruel que vous.

Et, tirant un large rideau de pourpre, elle découvrit, dans un enfoncement de la pièce, une foule de vases remplis de fleurs de toutes sortes.

— Les roses fleurissent toujours ici, ajouta-t-elle ; vous pourrez en faire un bouquet pour la dame de Beaumanoir.

— Vous êtes d’une rare prévoyance, mademoiselle, et Satan n’a plus rien à vous apprendre, en ruses comme en amour.

— En amour ! repartit Angélique avec vivacité, ne prononcez pas ce mot ! non ! Il y a longtemps que je l’ai sacrifié, l’amour !… Si je ne l’avais fait, je ne consulterais point la Corriveau aujourd’hui…

VII.

Angélique eut une pensée de regret pour Le Gardeur en disant cela.

— Non ! ce n’est pas l’amour qui arme mon bras, reprit-elle, mais c’est la duplicité d’un homme devant qui je me suis humiliée ! c’est la vengeance que j’ai jurée à une femme pour l’amour de laquelle je suis bafouée ! Voilà ce qui me pousse au mal ! Mais qu’importe ? fermez votre coffret, la Corriveau, nous allons arrêter les détails de l’affaire maintenant.

La Corriveau ferma le coffret, laissant de côté, sur la table, la petite fiole de la Brinvilliers, avec un poison rose qui scintillait comme un rubis sous les rayons de la lampe. Ensuite, elle vint s’asseoir près d’Angélique, et toutes deux, tête contre tête, d’une voix basse, et avec une mutuelle et lugubre sympathie, elles se mirent à discuter la disposition du château. L’une et l’autre avaient adroitement fait parler Fanchon Dodier, et connaissaient toutes les habitudes de Caroline, les chambres qu’elle occupait, ses heures de repos et de travail.

Angélique savait que l’Intendant serait absent de la ville pendant quelques jours, en conséquence des