Page:Kirby - Le chien d'or, tome II, trad LeMay, 1884.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
le chien d’or

qui meurt d’amour ou par la main d’une rivale généreuse, murmura la sorcière ; mais moi, je préfère les breuvages plus amers et aussi infaillibles.

VI.

La dame de Beaumanoir ne sera pas plus malaisée à tuer que Louise Gauthier, répliqua Angélique en faisant rayonner la petite fiole à la lumière de la lampe ; les serviteurs du château ne la connaissent même pas, et l’Intendant n’osera pas plus faire connaître sa mort que sa vie.

— Êtes-vous bien sûre, mademoiselle, que l’Intendant n’osera pas faire connaître sa mort ? demanda la Corriveau fort sérieusement.

C’était fine considération importante cela, la maille principale de la chaîne qu’elle longeait.

— Si j’en suis sûre ? Oui, bien sûre ! répondit Angélique avec un air de triomphe. Il n’a même pas voulu l’exiler lorsque je l’en suppliais, de crainte que l’on connût son séjour à Beaumanoir. Nous pouvons en toute sûreté courir le risque de lui déplaire ; c’est le seul risque, car il me soupçonnera peut-être d’avoir tranché ce nœud qu’il ne sait pas comment défaire.

— Vous êtes hardie ! exclama la Corriveau dans son admiration, vous êtes digne de porter la couronne de Cléopâtre, la reine de toutes les magiciennes, de toutes les enchanteresses ! Je redoute moins vos ordres, maintenant ; et j’y obéirai avec moins de regret, car l’esprit qui vous anime est fort.

— C’est bien ! la Corriveau ! que le parfum de la Brinvilliers m’apporte la fortune et le bonheur que j’ambitionne et je vous verserai de l’or à pleines mains !… Des roses, la Corriveau ! Prenez des roses ! que la dame de Beaumanoir meure en respirant des roses !

— Oui, mais où trouver des roses maintenant ? elles ont fini de fleurir.

La Corriveau n’aimait pas cette disposition à la clémence et soulevait l’objection avec plaisir.