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LE CHIEN D’OR

— Pas du tout ; c’est étonnant ! Mais il est facile de voir qu’elles rentrent au couvent. Tenez ! madame Bissot, j’ai vécu trente ans, fille et femme, dans la rue Desjardins, et je m’y connais. Rien qu’à les voir passer, je puis vous assurer que ce sont des cœurs brisés qui vont se réfugier sur le tombeau de la mère de l’Incarnation.

Madame Bissot avait toujours une explication à donner.

— Notre sexe est doué d’une telle sensibilité, madame Hamel ! fit-elle en hochant la tête. Quand j’étais fille, je ressemblais à une sensitive. Il paraît que la tombe de la mère Marie de l’Incarnation possède le rare privilège de calmer les troubles du cœur. Mais n’est-il pas singulier de voir se réfugier au cloître les jeunes filles qui perdent leurs amoureux ?

Vous vous souvenez de la belle Madeleine Des Meloises, qui se leva dans la nuit, à la nouvelle de la mort du jeune officier son promis, et se rendit pieds nus aux Ursulines, pour n’en plus revenir jamais ?

Elle a trouvé des consolations dans le cloître, car depuis lors, elle chante toujours. Et, mon Dieu ! qu’elle chante bien ! Je vais aux vêpres exprès pour l’entendre.

— Oui, madame Bissot, c’est singulier ! Mon vieux dit toujours : Sensibilité de la femme, inconstance de l’homme et folies de l’amour, rendent la vie joyeuse, et je crois qu’il a raison… Mais voyez donc ! je vous le disais bien que je m’y connaissais ! Elles vont au couvent.

III.

Amélie et Héloïse venaient de monter le grand perron de pierre du cloître, qui formait comme une barrière implacable entre le monde et la solitude.

Le soleil baignait d’un flot de lumière le haut pignon du cloître et le beffroi léger. Au-dessus de la porte, dans une petite niche, une statue de St.