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le chien d’or

Elle replaça la petite fiole avec un soin tout particulier. C’était son poison favori.

IV.

— Cette autre, continua la Corriveau, après avoir replacé celle qu’elle venait de montrer, pour en tirer une troisième, cette autre cause la paralysie ; puis celle-ci allume dans les veines la lente mais inextinguible flamme du typhus. Cette autre encore détruit toute la sève du corps humain et change le sang en eau. Celle-là, une fiole verte comme une émeraude, renferme de l’essence de mandragore, distillée quand le soleil entre dans le scorpion. Quiconque boit de cette liqueur, ajouta-t-elle, embrassant le petit flacon avec délice, quiconque boit de cette liqueur meurt dans les tourments indicibles de la lubricité.

Il y avait aussi, dans ce coffret, une petite bouteille d’un liquide noir, semblable à de l’huile.

— C’est une relique du passé, ceci, fit la sorcière ; c’est un héritage des Untori, les parfumeurs de Milan, qui répandirent avec leur huile embaumée, le deuil et la mort dans toute la grande cité.

L’histoire horrible des parfumeurs de Milan a été écrite, depuis la Corriveau, par la plume magnifique de Manzoni.

— Cela, continua-telle, c’est pour venger les chagrins, les déboires, les humiliations des malheureux dont l’amour est dédaigné ; et la mort qui frappe l’infidèle ou l’insensible, paraît si naturelle que les plus habiles médecins ne sauraient avoir de soupçons ou ne pourraient les justifier s’ils en avaient.

— C’est assez ! c’est assez ! cria Angélique, dégoûtée et prise de frayeur, car si cruels que fussent ses désirs, elle mettait toujours de la délicatesse dans ses moyens. À vous entendre, continua-t-elle, on se croirait au sabbat des sorcières. Je ne veux point de ces choses-là ; c’est indigne ! Que ma rivale meure, mais qu’elle meure comme une grande dame ! Il ne faut pas festoyer sur son cadavre comme des vam-