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le chien d’or

demment, au gré de l’ambition, de l’avarice, de la crainte et de l’hypocrisie.

III.

Angélique, assise près de la table, la joue appuyée sur sa main et penchée vers la Corriveau, écoutait, buvait pour ainsi dire ces explications, comme le désert brûlant boit l’eau que lui verse un nuage. Elle avisa une petite fiole pleine d’un liquide aussi blanc que le lait et d’une apparence aussi inoffensive.

— Qu’est-ce que ceci ? demanda-t-elle.

— Cela ? fit la Corriveau, c’est du lait de miséricorde. Il produit la phtisie et le dépérissement, sans causer de douleurs. Il fait son œuvre dans l’espace d’une lune ou deux. On dit d’un homme alors : l’infortuné ! une consomption galopante l’emporte ! Oui ! parce que la main d’un ennemi le pousse ! Avec ce lait, l’homme fort devient un squelette, la jeune fille rose et fraîche devient blême, maigre, décharnée, et personne ne peut deviner le secret de la tombe qui se ferme ; et ni prière, ni sacrement ne sauraient empêcher le fatal résultat de se produire.

Elle sortit une autre fiole du coffret.

Cette fiole, reprit-elle, en se caressant les lèvres du bout de sa langue de vipère, et avec une évidente satisfaction, cette fiole contient un poison mordicant, qui empoigne le cœur comme le feraient les griffes d’un tigre, et fait tomber à l’heure marquée d’avance la victime désignée. Les imbéciles viennent et déclarent emphatiquement :

Mort par la visite de Dieu !

La visite de Dieu ! répéta-t-elle d’un ton de mépris, et elle cracha de nouveau, la misérable ! comme elle avait coutume de faire à ce saint nom.

Le Lion, ajouta-t-elle, dans son langage cabalistique, le Lion fait mûrir les fruits de mort du levant ; des fruits qui tuent contre la volonté de Dieu. Celui qui possède ce flacon est le maître de la vie !