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le chien d’or

IV.

Depuis longtemps on n’avait vu pareil étalage de produits. Pendant la guerre, les limitants n’osaient venir sur le marché, car les commissaires de l’armée, ou si l’on veut les agents de la grande compagnie ne manquaient pas de reconnaître celui qui offrait en vente quelques articles remarquables, et ils faisaient aussitôt une descente sur sa ferme.

À l’une des extrémités de la place, s’élevait une croix de bois dont les larges bras semblaient protéger les boutiques et les échoppes d’alentour, et au pied de cette croix, une estrade de planches, haute de quelques pieds, d’où le regard pouvait embrasser tout le marché.

Un jésuite venait de monter sur l’estrade, et le crucifix à la main, il tonnait contre les vices et les lâchetés de l’époque.

La foule avide, curieuse, se pressait autour de lui.

V.

Le jansénisme avait bouleversé la France de fond en comble, et maintenant le gallicanisme, né de la première erreur, revendiquait pour la France ces privilèges religieux qui semblent rapetisser aux limites d’un état, la religion de toute la terre.

Les ardentes disputes de la France eurent leur écho dans la colonie, nonobstant les efforts déployés par l’évêque et le clergé de Québec pour se garer de ces regrettables querelles.

Les jésuites se prononcèrent hautement pour Rome et le saint Père, qu’ils proclamèrent seul juge infaillible dans les questions de morale et de foi, de gouvernement ecclésiastique et d’éducation.

Cependant, la position de ces religieux devint de plus en plus critique en France. On enviait leurs richesses, on jalousait leurs talents et leur habileté. Le clergé séculier se tourna contre eux généralement. Le parlement de Paris déclara qu’ils n’avaient pas une existence légale, et le nouveau ministre, le