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le chien d’or

— Oh ! mais je veux aussi moi témoigner à la madone ma reconnaissance pour le bonheur dont je suis rempli !

Pierre, sautant d’un cailloux sur un autre, cueillait les blancs nénuphars pendant qu’Amélie, les mains jointes, remerciait le Seigneur de la félicité dont il inondait son âme.

VII.

Pierre revint avec une charge de fleurs et s’assit sur le tronc d’arbre, auprès de sa jeune bien-aimée.

— Combien de fois, reprit-il, dans ma vie de soldat, couché sur le sol, un cailloux sous la tête, pendant que mes camarades s’amusaient auprès du feu de bivouac, je regardais les étoiles sereines qui flottaient dans l’azur du ciel et je pensais à vous ! et je priais pour devenir digne de vous et gagner votre amour !… Elle ne verra jamais en moi que le rude et grossier soldat, me disais-je, et pourtant, je ne sais pourquoi, je n’aurais pas donné mon espérance pour un royaume.

— Ah ! Pierre ! il n’était pas si difficile, après tout, de gagner ce que vous possédiez déjà, fit Amélie en souriant.

Amélie ! reprit-il encore, on dit que la vie ne se compte pas par les heures, mais par les pensées et les sensations. S’il en est ainsi, j’ai vécu un siècle de bonheur, aujourd’hui ! Je suis un amoureux bien vieux déjà !

— Mère St. Pierre, qui a été religieuse pendant cinquante ans, et qui jouit de la béatitude céleste maintenant, nous disait que ceux qui s’aiment ici-bas selon Dieu, demeurent éternellement jeunes dans le ciel, et que plus ils ont aimé longtemps sur la terre, plus ils sont heureux et jeunes là-bas. N’est-ce pas que c’est une douce philosophie ?

— Vos paroles, Amélie, sont plus douces à mon cœur que les plus douces philosophies !