naient point de leur admiration. Assurément qu’elle n’a pas été à Beaumanoir.
— Vous vous êtes vanté souvent de connaître les femmes mieux que moi, riposta Cadet en bourrant sa pipe, et je vous ai laissé dire. Quant à connaître Angélique, cela ne me surprenait point, et je pensais bien que vous la connaissiez à fond ; mais, nenni ! elle vous a dépisté celle-là ! Elle vous enfonce ! elle est trop habile pour vous.
Elle veut devenir madame l’Intendante, et elle prend les moyens de réussir. Cette fille a le feu d’un cheval de guerre et elle porterait son cavalier jusqu’au bout du monde. Je voudrais pouvoir la suivre. Avant six semaines, avec elle, je régnerais à Versailles !
— Savez-vous, Cadet, que j’ai eu la même pensée. N’eût été cette maudite affaire de Beaumanoir, je crois que je me serais laissé prendre. La Pompadour n’est qu’une niaise à côté d’elle. La difficulté maintenant, c’est de la croire assez folle pour s’aventurer dans une affaire aussi hardie.
— Ce n’est pas la hardiesse qui lui fera défaut, quand elle croira qu’il y va de son intérêt d’agir, répliqua Cadet en fermant paresseusement les yeux.
— Mais comment une jeune fille aurait-elle pu méditer un pareil dessein, et se montrer si candide, si joyeuse ?…
— Bah ! Vous ne connaissez pas les femmes ! Elles sont naturellement trompeuses ! Autant de mensonges que de bouts de rubans dans leur garde-robe !
II.
— Vous croyez qu’elle a trempé dans ce forfait ? Quelles sont vos raisons ? demanda Bigot, sérieusement, en se rapprochant.
— Mes raisons, les voici : Deux personnes au monde pouvaient désirer la mort de Caroline. Vous et elle. Elle pour se débarrasser d’une rivale redoutable, vous pour la soustraire aux recherches de la Pompadour.