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le chien d’or

veux savoir, la Corriveau ! Est-elle plus belle que moi ? Qu’en pensez-vous ?

La Corriveau arrêta sur Angélique ses yeux perçants et se mit à rire.

— Plus belle que vous ? Écoutez ! C’est comme une vision que j’ai eue. Elle était extrêmement belle et triste ! j’ai pu me la figurer plus ravissante qu’elle n’était à cause de sa bonté. Ah ! comme elle parlait avec douceur ! jamais ! depuis que je suis au monde, personne ne m’a parlé comme cela !

Angélique Des Meloises grinça les dents de colère.

— Qu’avez-vous fait ensuite ? demanda-t-elle. Ne lui avez-vous pas souhaité la mort ? N’avez-vous pas pensé que l’Intendant ou n’importe quel homme pouvait oublier et trahir, pour l’amour d’elle, toutes les autres femmes du monde ? qu’avez-vous fait ?

— Ce que j’ai fait ? j’ai continué à cueillir de la mandragore dans la forêt, et j’ai attendu que vous me fissiez appeler auprès de vous. Vous voulez punir l’Intendant qui vous néglige pour une autre… une autre plus belle et meilleure que vous ?

C’était hardi de la part de la Corriveau, mais c’était juste. Elle savait toute la vérité maintenant.

XIV.

Ces paroles rudes mirent le comble à la haine jalouse d’Angélique et l’affermirent dans ses résolutions. Il n’y a rien pour envenimer la jalousie comme ces rapports, ces confidences d’une officieuse amitié ou d’une langue indiscrète.

— Sa vie ou la mienne 1 s’écria-t-elle avec véhémence ; l’une de nous deux est de trop. Tuez-la ! j’ai de l’or.

Angélique aurait préféré mourir mille fois plutôt que de vivre pour n’avoir que les miettes du festin de l’amour où serait assise une rivale.

— La tuer ! c’est aisé à dire, mademoiselle. N’importe ! je ne vous ferai pas défaut ; fut-elle la Madone même, je la hais pour sa bonté, comme vous,