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le chien d’or

Et elle ajouta :

— J’aime autant qu’elle soit partie, et je ne tiens pas à la revoir.

— Pourquoi donc ? demanda Angélique un peu anxieuse.

— Le monde dit qu’elle a des relations avec la mère Malheur, l’affreuse mère Malheur ! et je le crois…

— Ah !… Et pensez-vous, Fanchon, que cette vilaine mère Malheur connaît les secrets de votre tante ?

— Certainement, je le pense, madame ! Vous ne vous fourrez pas dans une cheminée avec votre voisine sans en sortir aussi noire l’une que l’autre.

— Et que vous a dit votre tante en partant ?

— Je ne l’ai pas vue, vous dis-je. C’est Ambroise Gariépy qui m’a dit qu’elle avait traversé ce matin.

— Ambroise Gariépy ? qu’est-ce que c’est que cet homme-là ! Vous me paraissez avoir un cercle de connaissances assez étendu, Fanchon !

— Oh ! oui, madame ! répondit Fanchon naïvement, je connais beaucoup de monde. Ambroise Gariépy tient le Lion Vert et la traverse, sur la rive sud… Il m’apporte des présents de temps à autre : des choses qu’il achète des colporteurs Basques. C’est lui qui m’a donné ce peigne, madame.

Elle se tourna pour montrer le joli peigne qui tenait ses cheveux.

VIII.

Le babil de Fanchon ne déplaisait pas à Angélique et la distrayait un peu. Elle ne comprenait pas l’amour passionné et s’en moquait ; mais elle s’amusait de la coquetterie. Elle pensa :

— Ce que j’ai fait est fait ; pourquoi m’abîmer dans de vains regrets et perdre le fruit de mon… action ? Pour l’Intendant j’ai sacrifié Le Gardeur, pour l’Intendant j’ai…

Elle chassa la pensée de la chose affreuse qui pesait sur sa conscience, comme la pierre funèbre sur un tombeau.