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le chien d’or

brûler pour elle, Angélique, allait se changer en haine ?…

Elle s’imagina un instant qu’elle regrettait sa faute. Ce n’était toujours qu’une forme de la peur. Elle essaya de prier, et les paroles saintes ne tombèrent point de ses lèvres. Elle ne put ou n’osa prononcer le nom de Dieu.

Alors, elle maudit la folie qu’elle avait faite. Elle appelait son crime une simple folie. Elle se répandit en injures contre Bigot, parce qu’il n’avait pas consenti à éloigner cette fille de sa demeure, et contre Caroline parce qu’elle était venue se réfugier à Beaumanoir. Elle maudit la Corriveau qui s’était faite son instrument ; elle maudit le poignard et le poison, elle se maudit elle-même.

V.

Mon Dieu ! pourquoi me désespérer ainsi, se dit-elle ensuite, j’ai l’air d’une coupable ?… Une coupable ?… Bigot m’a dit qu’il me donnerait sa vie même ; oui, il me l’a dit ! Il mentait, je le sais bien, mais, n’importe ! il l’a dit… Encore, si la Corriveau ne l’avait point poignardée !… La vieille misérable ! elle devait la faire mourir de la mort d’un ange ! Une mort douce, calme, presque joyeuse ! Le monde aurait dit : Morte par la visite de Dieu !… La Corriveau m’a trompée !… Bigot m’a menti !…

Elle se leva et se mit devant son miroir.

— Ah ! que je suis pâle ! murmura-t-elle… Je n’ai, pourtant pas aspiré le poison, moi… Comme mes yeux sont éteints. Vais-je mourir aussi ?… Si Bigot me voyait, il devinerait mon crime… Je me trahis ! C’est le spectre de cette femme qui me hante déjà ! Ma victime se venge !…

Elle regarda à la pendule.

— Si tard déjà ! La matinée est venue… elle s’en va ! Que s’est-il donc passé ? Qu’ai-je fait depuis hier ?… L’heure se trompe !… Si quelqu’un allait venir !… Je recevrai tout le monde…

Je vais sortir… Je vais marcher pour rendre à