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le chien d’or

alors que Bigot fut jeté à la Bastille à cause de sa malversation et de sa coupable administration. Mais à cette époque, la charmante Joséphine, qui se survivait encore, racontait plaisamment ce qu’elle savait d’une jeune dame qui avait été enlevée mystérieusement du château, ou enterrée vive dans ses voûtes sombres.

Les soupçons de la vieille ménagère prenaient de la consistance. Ils se changèrent en certitude, un jour qu’elle rencontra l’ancien portier Marcel, et apprit de lui que Bigot et Cadet s’en étaient retournés seuls dans cette nuit fatale.

Alors, d’une voix chevrotante et navrée, elle raconta qu’une belle jeune personne, la maîtresse de l’Intendant Bigot, avait été assassinée et enterrée dans le château de Beaumanoir, et son récit se répandit au loin parmi le peuple, et il se transmit comme une tradition.

XXVI.

Immédiatement après la tragédie qui venait de se dérouler, l’Intendant fit enlever tous les meubles de la chambre secrète et la ferma. Dame Tremblay n’osa plus y descendre, et elle crut qu’elle était hantée.

Seul, de temps en temps, laissant ses compagnons de plaisirs et de débauches, Bigot y venait rêver et pleurer. Il se prosternait sur la pierre qui recouvrait les dépouilles de sa bien aimée, et là, dans la solitude redoutable, il évoquait les souvenirs d’un temps plus heureux.

Il avait gravé un C dans la dalle de pierre qui se fermait, comme un couvercle de tombeau, sur la poussière adorée. Il embrassait cette lettre unique, tout ce qui restait de la femme qui s’était sacrifiée pour lui.

Qui sait ? si le poison l’eût épargnée, cette douce, créature, elle aurait peut-être, à force de tendresse et de dévouement changé tout à fait le cœur de son maître. Bigot serait peut-être devenu un hon-