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le chien d’or

— Un gage ? de l’or ? répliqua Angélique ; oui, la Corriveau, oui ! je vais vous lier à moi par une chaîne d’or. Je ne compterai pas ; on n’a pas compté avec moi. Vous allez devenir la femme la plus riche de Saint Valier, la plus riche paysanne de la Nouvelle-France !

— Je ne suis pas une paysanne ! riposta la Corriveau avec fierté. Je suis d’une race ancienne et redoutable comme les Césars de Rome. Mais, bah ! cela ne vous intéresse nullement. Donnez-moi un gage de votre bonne foi et je suis à votre service.

XII.

Angélique se leva aussitôt, ouvrit une écritoire, prit une longue bourse de soie pleine de louis d’or et la jeta à l’âpre sorcière, comme elle eut fait d’un sou.

Le métal précieux étincelait entre les mailles claires de la bourse. La Corriveau saisit avec la rapacité d’une harpie, l’infâme salaire du crime, le porta à ses lèvres et du bout de son doigt maigre le caressa à travers les mailles espacées.

— Ce sont en effet des arrhes magnifiques ! s’écria-t-elle. Maintenant, ordonnez, mademoiselle, j’obéis. Seulement je me réserve le choix des moyens. Je devine suffisamment la nature de votre peine et le remède que vous désirez ; mais je ne saurais également deviner le nom de l’infidèle qui vous délaisse et celui de la rivale dont le sort vient d’être scellé.

— Je ne vous dirai pas le nom de cet homme qui me trahit… Non ! je ne puis pas vous le dire…

Elle éprouvait de la répugnance à déclarer qu’elle aimait Bigot.

— Je voudrais bien vous nommer ma rivale, ajouta-t-elle, mais je ne la connais aucunement.

— Voilà qui est drôle ! fit la Corriveau, vous voulez frapper une personne que vous ne connaissez point !

— Je ne sais pas son nom, mais je sais où elle est ! Tenez ! la Corriveau, la vie de cette créature, c’est ma mort à moi ! c’est l’anéantissement de toutes