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le chien d’or

de cœur, et un frémissement imperceptible passa sur sa main pendant qu’elle ouvrit la petite boîte. Elle prit le bouquet, le dépouilla, en se détournant à demi, de son enveloppe d’argent et le présenta à l’impatiente jeune fille.

— Qu’il est beau ! exclama Caroline en le saisissant de ses deux mains. C’est un bouquet céleste ! un radieux gage d’amour !

Et le portant à ses lèvres, souriante, ravie, transfigurée par le plaisir, elle l’embrassa avec passion, et en aspira ardemment les senteurs exquises et les poisons mortels.

Aussitôt, sa tête radieuse se pencha en arrière, ses yeux noirs regardèrent dans le vague, et tenant toujours le bouquet fatal sous ses baisers, elle tomba morte aux pieds de la Corriveau.

Un rire sauvage, terrible, épouvantable, fit tressaillir les murs de la chambre secrète.

Le sang de plusieurs générations d’empoisonneurs et d’assassins se prit à courir brûlant dans les veines de la sorcière, et elle parut comme une tigresse devant sa proie.

Le cadavre était là, souriant encore, encore radieux de sa dernière pensée de joie. Elle se pencha dessus pour voir s’il vivait toujours. Le cœur ne battait plus ; nul souffle ne passait sur les lèvres entr’ouvertes.

Il ne devait plus se réveiller qu’à la voix de Dieu, au jour de la résurrection.

— N’importe ! grommela l’empoisonneuse, la Corriveau ne fait pas son ouvrage à moitié ; s’il y a un reste de vie là-dedans, il partira.

Et deux fois, d’une main ferme, elle plongea dans le sein de sa victime déjà morte, son poignard aigu.

Un mince filet de sang courut sur la robe blanche et ce fut tout.

V.

Caroline de St. Castin était devant Dieu. Elle avait franchi ce redoutable passage que nul ne con-