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le chien d’or

fut toute surprise de se trouver en présence d’une femme comme une autre, vêtue en paysanne et ne portant rien qu’une petite boîte sous le bras.

La Corriveau fixa un œil curieux sur cette jeune fille qui ressemblait à un ange. Elle l’examina de la tête aux pieds, remarqua les plis gracieux de sa robe blanche, ses longues tresses noires, ses formes ravissantes, son air doux et résigné, sa suave beauté et elle sentit comme une jalouse colère se réveiller dans sa vieille âme corrompue. Elle pensa et un sourire méchant glissa sur ses lèvres minces, elle pensa :

— Cela va faire un beau cadavre !… jamais la Brinvilliers, jamais la La Voisin n’ont versé le poison à une plus belle victime !

Caroline surprit le regard perçant de la méchante vieille, et son sourire satanique, et elle recula effrayée.

La Corriveau s’aperçut de la mauvaise impression qu’elle faisait sur la jeune fille, et elle se composa aussitôt un maintien plus avenant. Elle affecta de la sympathie, de la compassion. Il fallait inspirer la confiance ou se résigner à perdre, peut-être, le fruit de bien des peines et la perspective d’une grande fortune.

Caroline vite rassurée, s’imagina qu’elle avait mal vu, se persuada qu’il ne fallait point écouter sa première impression. Le costume de la paysanne, le panier inoffensif, l’attitude prise par la Corriveau, se donnant l’air respectueux d’une personne qui attend qu’on lui parle, bannirent toute crainte de l’âme de Caroline et la laissèrent toute à sa curiosité.

XI.

La Corriveau ne voulait point user de violence dans l’accomplissement de son forfait. Cependant, elle s’était armée d’un stylet de fin acier, le même que Béatrice Spara avait laissé dans le cœur de Beppa Farinata, quand elle la surprit dans la chambre d’Antonio Exili.