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le chien d’or

daigneuse, je ne me fâche pas pour si peu, et je suis accoutumée à ces bizarreries d’humeur. Ceux qui réclament mes services se brouillent toujours avec eux-mêmes avant de s’accorder avec moi.

— Savez-vous pourquoi je vous ai fait venir, à pareille heure, bonne dame Dodier ? demanda Angélique, brusquement.

— Appelez-moi la Corriveau ; je ne suis pas la bonne dame Dodier ! Mon nom est maudit et je l’aime à cause de cela ! Et vous aussi, mademoiselle, vous devriez le préférer, car ce n’est pas pour une œuvre sainte que vous m’avez mandée. Du moins, les gens qui prient ne l’appelleraient point ainsi. Vous voulez que je vous aide à retrouver vos bijoux ? Est-ce bien cela ?

La Corriveau n’en croyait rien, c’était visible.

— C’est ce que j’ai dit à Fanchon… Il fallait un prétexte. Je savais bien que vous devineriez un motif plus sérieux. On ne fait pas venir une femme de Saint Valier à Québec, pendant la nuit, pour chercher quelques misérables joyaux.

— C’est bien ce que je pensais, fit la sorcière, en montrant dans un sourire sardonique, une rangée de dents blanches aussi menaçantes que celles des fauves. C’est bien ce que je pensais ! Le joyau que vous avez perdu, c’est le cœur de votre bien aimé, et vous espérez que la Corriveau va vous le rendre au moyen de quelque charme. N’est-ce pas cela ?

IX.

Angélique se dressa soudain, puis, fixant audacieusement la vieille femme :

— Oui, exclama-t-elle, c’est cela !… c’est plus que cela !… Ne devinez-vous point ? Vous êtes sagace, pourtant, et vous n’avez pas coutume d’avoir besoin qu’on vous en dise si long…

— Ah ! ah ! murmura la Corriveau, en la regardant à son tour avec des yeux verts où s’allumait la cupidité. Ah ! ah ! vous avez une rivale !… je comprends ! Une femme plus puissante que vous, malgré