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le chien d’or

l’enfer qu’elle entr’ouvrait avec cette parole flatteuse.

Angélique sourit pour toute réponse. Un compliment, même de la Corriveau, c’était toujours un compliment ; mais elle éprouvait une poignante anxiété ; elle marchait au bord de l’abîme. Encore une minute et il lui faudrait s’y précipiter. L’explication allait venir.

La Corriveau continua avec cette intonation captieuse qu’elle prenait pour faire des dupes :

— Vous pouvez tout espérer en ce monde, mademoiselle, vous pouvez aspirer à la plus haute fortune : et pour cela, nul besoin de sorciers ni de sortilèges, vos charmes incomparables suffisent ! Les plus belles perles de la mer ne pourraient rien ajouter à la richesse et à l’éclat de votre étonnante chevelure !… Permettez-moi de la toucher un peu, mademoiselle.

La Corriveau souleva une tresse épaisse et la mit en regard de la lumière ; les cheveux eurent des reflets d’or. Angélique se retira vivement, comme sous la morsure du feu, arracha sa tresse des mains de la sorcière, et frémit d’horreur et de honte.

C’était le dernier avertissement de son ange gardien…

VIII.

— Ne touchez pas à mes cheveux ! s’écria-t-elle avec vivacité. J’ai joué mon âme et ma vie sur un coup de la fortune, mais j’ai consacré ma chevelure à Notre-Dame de Sainte Foy. Elle n’est plus à moi ; n’y touchez pas, madame Dodier.

Angélique, toute jeune, s’était en effet agenouillée devant la niche de la Madone, à Sainte Foy, pour faire le sacrifice de sa plus belle parure.

— Je veux la garder pure, continua-t-elle ; je dois la garder pure, vous le comprenez. Ainsi, bonne dame Dodier, pardonnez-moi ce mouvement un peu vif ; ne soyez pas fâchée.

— Bah ! riposta la Corriveau avec une moue dé-