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le chien d’or

Tremblay et elle reprit en hâte, marchant dru, avec son bâton, le chemin de la ville.

IV.

La Corriveau l’attendait avec impatience, et dès qu’elle mit les pieds sur le seuil de sa cabane, au pied du rocher, elle lui demanda d’une voix anxieuse, en courant au-devant d’elle :

— L’avez-vous vue, mère Malheur ? Lui avez-vous remis ma lettre ?… Vous ôterez votre chapeau après. Parlez vite !

Elle ne venait pas à bout de dénouer les attaches de son chapeau, mère Malheur. La Corriveau vint à son secours.

— Eh bien ! parlez donc, dit-elle encore.

— Oui ! oui ! elle l’a, votre lettre. Elle a avalé mes histoires comme de l’eau. Elle vous attend au coup de minuit, demain. Elle vous fera entrer, dame Dodier… Mais est-ce elle qui vous fera sortir ?

Mère Malheur, son chapeau à la main, regardait la Corriveau d’un œil méchant.

— Si elle me fait entrer, répondit la Corriveau, je sortirai bien toute seule ! Pourquoi cette question ?

— Parce que je lis dans vos yeux un dessein diabolique et vous ne m’en faites point part. C’est mal cela, dame Dodier.

— Pouah ! nous sommes de société. Vous verrez bien !… Mais quelle apparence a-t-elle cette mystérieuse dame de Beaumanoir ?

V.

La Corriveau s’assit et appuya sa main décharnée sur le bras de sa complice.

— L’apparence d’une condamnée à mort, répondit celle-ci ; elle est trop bonne pour vivre. Le chagrin n’est pas fait pour une aussi divine créature.

— Il y a quelque chose de pire que le chagrin, pour cette sorte de créature, répliqua froidement la Corriveau.