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le chien d’or

que nous en avons trop. Quand même tout le monde la mépriserait, moi je la plaindrais ; c’est un ange et je l’aime… quand j’étais la charmante…

— Oh ! nous avons toutes, comme cela, été des anges, dans un temps ou dans l’autre, et le monde a vu bien des chûtes, interrompit la vieille, d’un ton mélancolique, comme si quelques lointaines réminiscences fussent revenues tout-à-coup à sa pensée.

Dame Tremblay reprit :

— Vous m’interrompez toujours, mère Malheur, mais n’importe ! je disais que personne, quand j’étais la charmante Joséphine du lac Beauport, ne pouvait soutenir sans mentir effrontément, que…

Vous ne m’écoutez plus ? eh bien ! c’est dommage ! Prenons une autre tasse de thé avec encore une goutte de cognac, et vous allez descendre à la cuisine, dire la bonne aventure à ces paresseuses de servantes qui passent leur temps à parler des garçons, et dépensent tout ce qu’elles gagnent en rubans, en dentelles, en colifichets de toutes sortes. Avez-vous jamais vu des filles comme celles de ce temps-ci ?

Sont-elles ridicules, un peu, avec leurs talons hauts, leur fard, leurs garnitures ! on ne peut plus les distinguer d’avec leurs maîtresses. Quand j’étais la…

III.

Mère Malheur l’interrompit encore une fois.

— J’y vais à la cuisine, dit-elle, j’y vais. Ces pauvres servantes, il faut les amuser un brin, ne pas démolir si vite l’édifice de leurs espérances, et les rendre heureuses d’une félicité qui n’arrivera peut-être jamais.

Elle sortit. Dame Tremblay la suivit.

— Je ne pourrai pas m’attarder longtemps, fit-elle, j’ai une longue route à parcourir avant la nuit.

Le temps de satisfaire la curiosité des plus hardies, de promettre des maris fidèles aux plus jalouses et de la richesse à toutes, puis elle fit ses adieux à dame