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le chien d’or

Et cependant, comme ces deux créatures étaient différentes l’une de l’autre aux yeux des hommes ! Mais comme elles se ressemblaient aux yeux de Dieu qui sonde les cœurs et les reins !

Angélique, rayonnante de jeunesse et de beauté, avec sa chevelure d’or comme une couronne de lumière autour de la tête, avec ses grâces parfaites, faisait aimer l’œuvre du Créateur et bénir sa puissance ;

La Corriveau, sévère, noire, anguleuse, la figure sillonnée de lignes cruelles, perverses ; la Corriveau, sans pitié dans le regard, sans pitié sur les lèvres, sans pitié dans le cœur, de glace pour la vertu, de feu pour le mal, faisait haïr l’humanité…

Et cependant, ces deux femmes étaient comme deux esprits nés du même souffle.

L’une aurait pu être l’autre. L’orgueilleuse beauté ne possédait pas un meilleur cœur que la Corriveau, et la sorcière de Saint Valier n’aurait pas été moins séduisante, ni moins ambitieuse qu’Angélique, si elle fut née riche et belle.

VII.

La Corriveau salua mademoiselle Des Meloises. Celle-ci fit signe à Fanchon de se retirer. Fanchon sortit à regret, car elle avait espéré assister à l’entrevue de sa tante avec Angélique. Elle soupçonnait quelque chose de plus intéressant que la perte des bijoux.

Angélique invita la Corriveau à ôter son chapeau et son manteau ; puis elle s’assit près d’elle dans sa chaise moelleuse, et la conversation commença. Une conversation banale, insignifiante, qui dura longtemps. Elles semblaient avoir peur l’une et l’autre d’aborder le sujet véritable qui les réunissait à cette heure de la nuit.

— Madame est bien la plus belle que j’aie vue, toutes les femmes l’admettent, tous les hommes le jurent, commença enfin la Corriveau.

Et sa voix âpre et dure grinça comme la porte de