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le chien d’or

sible, puisque le malheur ne doit arriver que lorsqu’elle sera effacée.

Il courut à la maison chercher une cuve, et la mit comme un couvercle sur le signe fatal, pour le cacher.

XI.

Mère Malheur, tour à tour, riant et maudissant, monta la route de Charlesbourg, et vint s’arrêter un instant, sous le vieil arbre qui ombrageait la couronne de France.

Deux ou trois habitants vidaient, en causant, leur gobelet de cidre. Ils s’empressèrent de lui faire place.

Elle s’assit, les fixa de ses petits yeux rouges et leur causa tant d’effroi, ou de répugnance qu’ils s’éloignèrent l’un après l’autre et la laissèrent seule.

Dame Bédard et sa fille Zoé vinrent la trouver. La conversation s’engagea aussitôt. Zoé voulait savoir le bonheur qui l’attendait dans son ménage. Elle pria la sorcière de soulever un coin du voile qui lui dérobait l’avenir.

Mère Malheur se rendit à ses désirs et lui dit une foule de choses agréables, sans doute, car après son départ, la jeune fille affirma que jamais diseuse de bonne aventure ne pouvait deviner la vérité et lire dans l’avenir comme cette bonne vieille. Elle la trouvait une bonne vieille ; et les gens qui parlaient mal d’elle, étaient tous des mauvaises langues.

Quand elle raconta à sa mère les prédictions qui venaient d’être faites à son sujet, sa mère se mit à rire et fut toute joyeuse comme une aïeule près du berceau de son premier petit fils.

XII.

Mère Malheur ne savait pas au juste pourquoi elle se rendait à Beaumanoir, mais elle flairait du sang et cela lui donnait du courage.

Elle se remit en route, et vite, vite ! la main crispée sur sa canne noueuse, laide comme un