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le chien d’or

cœur large était également divisé entre ses nombreux adorateurs.

Maintenant, le plus grand plaisir de ces deux vieilles friponnes était de s’asseoir à une petite table, en face l’une de l’autre, avec une tasse de thé ou un verre de rhum, et de rappeler ce temps éloigné de leur jeunesse scabreuse. Cela avait la senteur du vice aimé, et ragaillardissait leurs esprits, comme la senteur du foin nouvellement fauché nous rappelle que l’été est revenu, et que c’est le temps des ébats joyeux dans les vertes prairies.

VII.

La Corriveau ne doutait point que la captive de Beaumanoir ne fût mademoiselle de St. Castin. Le souvenir de la rencontre d’une jeune blanche et des Abénaquis, dans le bois de St. Valier, et des questions qu’elle lui adressa au sujet de l’Intendant, la confirma dans son opinion. Elle résolut d’envoyer sa complice nouvelle au château, sous prétexte de faire une visite à dame Tremblay, mais en réalité pour qu’elle pût lui préparer les voies à elle-même, et la mettre en communication avec la captive.

Si Caroline se décidait à admettre la Corriveau dans sa chambre privée, et à lui accorder un peu de confiance, le reste irait bien. Elle dit cela avec une satisfaction singulière, la Corriveau, que le reste irait bien. Puis, ce ne serait pas mademoiselle Des Meloises qui pèserait l’or… le prix du sang ! Une fois le crime consommé, elle verrait !

Elle allait devenir toute puissante et terriblement redoutable, la sorcière de St. Valier. Elle serait riche enfin, très riche ! Mademoiselle Des Meloises partagerait bien sa fortune avec elle, plutôt que de s’exposer aux conséquences d’une trahison. Si la mort de cette recluse doit être pour elle un élixir de vie, pour la Corriveau, elle sera la pierre de touche de la fortune.