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le chien d’or

Elle aurait pu ainsi éloigner sa rivale, sans avoir besoin de recourir au crime.

Il ne devait pas en être ainsi.

V.

Mère Malheur était mieux informée. Une servante de Varin, qui venait la consulter assez souvent et qui ne se faisait pas un scrupule de bavarder, lui avait tout dit. Elle savait cela, elle, d’un petit domestique, son amoureux, qui avait espionné son maître et l’Intendant, pendant qu’ils causaient ensemble des lettres du baron et de la Pompadour. Elle se hâta d’accourir chez la vieille sorcière avec sa nouvelle intéressante et un pot de confitures volé à la cuisine. Mère Malheur montra autant d’empressement à tout révéler à la Corriveau.

La Corriveau comprit aussitôt qu’il fallait empêcher mademoiselle Des Meloises de connaître cela. Elle changerait d’avis, ne voudrait plus faire périr sa rivale, et la récompense promise pour le forfait serait perdue. Elle ne l’entendait pas ainsi, la Corriveau ! Elle avait mis la main dans le plat ; elle ne la retirerait pas vide. La chance était trop belle, le crime trop noir, pour y renoncer.

VI.

La malheureuse Angélique, victime de ses passions d’abord, allait devenir victime de la Corriveau. Sans en faire tout à fait sa confidente, la Corriveau résolut de se servir sans retard cependant de sa vieille amie, et d’utiliser ses infâmes services. Il n’y avait plus de temps à perdre.

Mère Malheur avait été servante à Beaumanoir autrefois. Elle connaissait parfaitement la maison. Dans les jours d’ardeur et de folie de la jeunesse, elle était souvent entrée ou sortie clandestinement, par le passage souterrain, qui reliait la tour aux voûtes du château. Elle était familière avec dame Tremblay. La charmante Joséphine de jadis, l’avait souvent consultée, dans les instants critiques où son