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à quoi il ne comprenait rien du tout, et le labourage, dont il ne voyait pas l’utilité. Puis, les petits enfants du village le mettaient en colère. Heureusement, la Loi de la Jungle lui avait appris à ne pas se fâcher, car, dans la jungle, la vie et la nourriture dépendent du sang-froid ; mais quand ils se moquaient de lui parce qu’il refusait de jouer à leurs jeux, comme de lancer un cerf-volant, ou parce qu’il prononçait un mot de travers, il avait besoin de se rappeler qu’il est indigne d’un chasseur de tuer des petits tout nus, pour s’empêcher de les prendre et de les casser en deux. Il ne se rendait pas compte de sa force le moins du monde. Dans la jungle il se savait faible en comparaison des bêtes ; mais, dans le village, les gens disaient qu’il était fort comme un taureau.

Il ne se faisait assurément aucune idée de ce que peut être la crainte. Le jour où le prêtre du village lui déclara que s’il volait ses mangues le dieu du temple serait en colère, il alla prendre l’image, l’apporta au prêtre dans sa maison, et lui demanda de mettre le dieu en colère, parce qu’il aurait plaisir à se battre avec. Ce fut un scandale affreux, mais le prêtre l’étouffa, et le mari de Messua paya beaucoup de bon argent pour apaiser le Dieu.

Mowgli n’avait pas non plus le moindre sentiment de la différence qu’établit la caste entre un homme et un autre homme. Quand l’âne du potier glissait dans l’argilière, Mowgli le hissait dehors par la queue, et il aidait à empiler les pots lorsqu’ils partaient pour le marché de Kanhiwara. Geste on ne peut plus choquant, attendu que le potier est de basse caste, et son âne pis encore. Si le prêtre le