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ne souffrant aucune altération quand même, selon le mot de Saint-Paul, les hommes ne l’estiment guère plus que la fange qu’ils foulent sous leurs pieds.

III. L’homme de génie n’a qu’une téléologie immanente : celle de l’apôtre est paradoxale.

C’est bien de l’apôtre plus que tout autre homme qu’on peut dire qu’il a une téléologie absolue. La doctrine n’est point un problème à résoudre ; elle ne lui fut point communiquée pour lui personnellement, mais pour qu’il la divulguât avec autorité. Le facteur qui vous apporte une lettre, en ignore le contenu, il n’a qu’à vous la porter. L’ambassadeur envoyé à une cour étrangère, n’est point responsable du contenu de la dépêche, il n’a qu’à la livrer fidèlement ; de même l’apôtre n’a qu’à vaquer à sa charge. L’apôtre ne fut-il jamais persécuté, il fait pourtant l’immolation de sa vie »en restant pauvre tandis qu’il enrichit les autres.« Il en est de lui, au figuré, comme de la bonne ménagère qui assouvit à peine sa faim pour faire la cuisine à toutes ces bouches affamées. Dût-il vivre longtemps, sa vie se passera toujours de même, les nouveaux auditeurs étant là, à qui il doit prêcher la doctrine. Bien qu’une révélation soit un fait paradoxal dépassant l’intelligence humaine, on conçoit pourtant qu’un homme soit appelé par une révélation à divulguer la parole du Seigneur, et que l’envoyé