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Durant toute sa vie sa vocation est pourtant un fait paradoxal et par conséquent sans identité avec sa personnalité. L’Homme aura atteint l’âge mur bien avant qu’il ait conscience de sa vocation comme envoyé de Dieu. Il n’en a pour cela ni plus d’esprit ni plus de sagacité, etc. ; — il reste tel qu’il est, à cela près que, par le fait paradoxal il est maintenant l’envoyé de Dieu, et en vertu du paradoxe par conséquent différent de tous les autres hommes. La nouvelle doctrine prêchée par lui, est essentiellement paradoxale tant qu’elle est proclamée dans le monde ; nulle immanence ne pourra l’assimiler. Il n’en est point de l’apôtre comme de l’homme de talent qui a pris les devants sur ses contemporains. L’apôtre est peut-être regardé comme un homme simple qu’un fait paradoxal appelle à proclamer la nouvelle doctrine. Que la spéculation pense pouvoir assimiler celle-ci : elle ne vient jamais à bout d’assimiler la manière dont la doctrine se manifesta, le paradoxe, à proprement parler, étant précisément la protestation contre l’immanence. La manière dont la doctrine se manifesta est pourtant le point essentiel qualificatif par excellence, ce à quoi il faut faire attention à moins qu’on ne soit ou un imposteur ou un imbécile.

II. Esthétiquement, on apprécie l’homme de génie rien que par sa valeur intrinsèque, tandis que l’apôtre tient toute sa valeur de l’autorité