Page:Keepsake français, 1830.djvu/336

Cette page n’a pas encore été corrigée


Alors, et non sans pleurs, la pauvre jeune fille
Lentement détacha la croix qu’elle aimait tant :
Elle était le seul bien qu’eût laissé sa famille.
Le vieillard vit ses pleurs, et rit en l’acceptant ;
Et ce rire et ces pleurs du démon et de l’ange
Firent en se mêlant une harmonie étrange,
Mais qui ne dura qu’un instant.

La nuit tomba du ciel, elle était froide et sombre ;
Minuit tinta, bientôt l’enclos des morts s’ouvrit,
Et deux êtres vivants se glissèrent dans l’ombre,
Dont à tous les regards le voile les couvrit !…
Bientôt celui des deux qui portait une bêche,
Heurta d’un pied tremblant une tombe encor fraîche,
Et se mit à creuser sans bruit.

Puis, après un instant de travail et de peine,
Où plus sombre toujours la lune se voila,
Le fossoyeur toucha d’une main incertaine
Les planches d’un cercueil, et lui dit : « La voilà ;
Descendez, jeune fille, en cette tombe ouverte,
La terre me l’avait fidèlement couverte…
Descendez, votre amie est là. »

Elle le fit… Et lui sur le bord de la tombe,
Les pieds pendants, s’assit, comme il faisait souvent,
Regardant ce corps froid, qui se lève et retombe
Entre les bras lassés qui le vont soulevant.
Soudain un cri d’effroi, que rien ne peut combattre,
Part du fond du tombeau… C’est que venait de battre
Sous le linceul un cœur vivant.