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« A votre feu si froid, où brûlent avec peine
Les humides débris arrachés aux tombeaux,
Je resterai souvent, et filerai la laine
Qui de vos vêtements rattache les lambeaux ;
Vous ne serez plus seul dans ces longues soirées,
Où de votre vieux toit les planches séparées
Laissent voir voler les corbeaux !

« Lorsque vous entendrez autour de vous peut-être
Comme d’étranges voix qui, toujours s’approchant,
Vous glaceront de peur, sans que vous soyez maître
De fermer votre oreille à leur lugubre chant,
Et que vous pourrez voir glisser de grandes ombres
Le long de vos murs blancs, où se dessinant sombres
Elles danseront en marchant ;

« Et que vous saluant d’un long éclat de rire,
De leurs linceuls usés tenant chacune un bout,
Elles s’arrêteront… et viendront vous redire,
Ouvrant un œil éteint qui regardera tout,
Le dernier chant de mort, la dernière prière
Que l’on entend ici, lorsque près d’une bière
Chaque prêtre reste debout !

« Vous pâlissez, brave homme… et détournez la tête,
Ne me repoussez pas, moi qui parmi les morts
Ai déjà tant d’amis… moi, qui souvent m’arrête
Ici des jours entiers à rêver sur les bords
D’une tombe entr’ouverte à l’éternel mystère
Que nous garde le ciel et nous cache la terre,
Comme l’avare ses trésors.