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Tous les singes anthropoïdes vivant encore de nos jours peuvent se tenir debout et se déplacer sur leurs deux jambes seulement; mais ils ne le font qu'en cas de nécessité et avec la plus extrême maladresse. Leur marche naturelle s'accomplit en position à demi verticale et implique l'usage des mains. La plupart appuient sur le sol les phalanges médianes de leurs doigts repliés et, rentrant les jambes, font passer le corps entre leurs longs bras, comme un paralytique qui marche avec des béquilles. En général, nous pouvons aujourd'hui encore observer chez les singes tous stades du passage de la marche à quatre pattes à la marche sur deux jambes. Mais chez aucun d'eux cette dernière n'a dépassé le niveau d'un moyen de fortune. Si, chez nos ancêtres velus, la marche verticale devait devenir d'abord la règle, puis une nécessité, cela suppose que les mains devaient s'acquitter de plus en plus d'activités d'une autre sorte. Même chez les singes, il règne déjà une certaine division des fonctions entre les mains et les pieds. Comme nous l'avons déjà dit, la main est utilisée d'une autre façon que le pied pour grimper. Elle sert plus spécialement à cueillir et à tenir la nourriture, comme le font déjà avec leurs pattes de devant certains mammifères inférieurs. Beaucoup de singes s'en servent pour construire des nids dans les arbres ou même, comme le chimpanzé, des toits entre les branches pour se garantir du mauvais temps. Avec la main ils saisissent des bâtons pour se défendre contre leurs ennemis ou les bombardent avec des fruits et des pierres. En captivité, elle leur sert à accomplir un certain nombre d'opérations simples qu'ils imitent de l'homme. Mais c'est ici précisément qu'apparaît toute la différence entre la main non développée du singe même le plus semblable à l'homme et la main de l'homme hautement perfectionnée par le travail de milliers de siècles. Le nombre et la disposition générale des os et des muscles sont les mêmes chez l'un et chez l'autre; mais la main du sauvage le plus inférieur peut exécuter des centaines d'opérations qu'aucune main de singe ne peut imiter. Aucune main de singe n'a jamais fabriqué le couteau de pierre le plus grossier.

Aussi les opérations auxquelles nos ancêtres, au cours de nombreux millénaires, ont appris à adapter peu à peu leur main à l'époque du passage du singe à l'homme n'ont elles pu être au début que des opérations très simples. Les sauvages les plus