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une oppression nouvelle pour une autre classe. L’introduction du machinisme, dont les effets sont universellement connus aujourd’hui, en fournit la preuve la plus frappante. Et si, comme nous l’avons vu, la différence pouvait encore à peine être établie chez les Barbares entre les droits et les devoirs, la civilisation montre clairement, même au plus inepte, la différence et le contraste qui existe entre les deux, en accordant à l’une des classes à peu près tous les droits, et à l’autre, par contre, à peu près tous les devoirs.

Mais cela ne doit pas être. Ce qui est bon pour la classe dominante doit être bon pour toute la société avec laquelle s’identifie la classe dominante. Donc, plus la civilisation pro­gresse, plus elle est obligée de couvrir avec le manteau de la charité les maux qu’elle a néces­sai­rement engendrés, de les farder ou de les nier, bref, d’instituer une hypocrisie convention­nelle que ne connaissaient ni les formes de société antérieures, ni même les premiers stades de la civilisation, et qui culmine finalement dans l’affirmation suivante : l’exploitation de la classe opprimée serait pratiquée par la classe exploitante uniquement dans l’intérêt même de la classe exploitée ; et si cette dernière n’en convient pas, si elle va même jusqu’à se rebeller, c’est la plus noire des ingratitudes envers ses bienfaiteurs, ses exploiteurs.

Et voici maintenant, pour finir, le jugement de Morgan sur la civilisation :

« Depuis l’avènement de la civilisation, l’accroissement de la richesse est devenu si énorme, ses formes si diverses, son application si vaste et son administration si habile dans l’intérêt des propriétaires que cette richesse, en face du peuple, est devenue une force impossible à maîtriser. L’esprit humain s’arrête, perplexe et interdit, devant sa Propre création. Mais cependant, le temps viendra où la raison humaine sera assez forte pour