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en force armée. Cette force publique particulière est nécessaire, parce qu’une organisation armée autonome de la population est devenue impossi­ble depuis la scission en classes. Les esclaves font aussi partie de la population ; en face des 365 000 esclaves, les 90 000 citoyens d’Athènes ne constituent qu’une classe privilégiée. L’armée populaire de la démocratie athénienne était une force publique aristocratique, vis-à-vis des esclaves qu’elle tenait en respect ; mais, pour pouvoir aussi tenir en respect les citoyens, une gendarmerie devint nécessaire, comme nous l’avons relaté précédemment. Cette force publique existe dans chaque État ; elle ne se compose pas seulement d’hommes armés, mais aussi d’annexes matérielles, de prisons et d’établissements pénitentiaires de toutes sortes, qu’ignorait la société gentilice. Elle peut être très insignifiante, quasi inexistante dans des sociétés où les antagonismes de classes ne sont pas encore développés et dans des régions écartées, comme c’est le cas à certaines époques et en certains lieux des États-Unis d’Amérique. Mais elle se renforce à mesure que les contradictions de classes s’accentuent à l’intérieur de l’État et que les États limitrophes deviennent plus grands el plus peuplés ; — considérons plutôt notre Europe actuelle, où la lutte des classes et la rivalité de conquêtes ont fait croître à te) point la force publique qu’elle menace de dévorer la société tout entière, et même l’État.

Pour maintenir cette force publique, il faut les contribution des citoyens de l’État, — les impôts. Ceux-ci étaient absolument inconnus à la société gentilice. Mais, aujourd’hui, nous pou­vons en parler savamment. Eux-mêmes ne suffisent plus, avec les pro grès de la civilisa­tion ; l’État tire des traites sur l’avenir, fait de., emprunts, des dettes d’État. Sur ce point encore, la vieille Europe sait à quoi s’en tenir.

Disposant de la force publique et du droit de faire rentrer les impôts, les fonctionnaires, comme organes de la société, sont placés au-dessus de la société. La libre estime qu’on témoi­gnait de plein gré aux organes de l’organisation gentilice ne leur suffit point, même en supposant qu’ils pourraient en jouir ; piliers d’un pouvoir qui devient étranger à la société, il faut assurer leur autorité par des lois d’exception, grâce auxquelles ils jouissent d’une sainteté et d’une inviolabilité particulières. Le plus vil policier de l’État civilisé a plus d’« autorité » que