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excitent la cupidité des peuples auxquels l’acquisition des richesses semble déjà l’un des buts principaux de la vie. Ce sont des barbares : piller leur semble plus facile et même plus honorable que gagner par le travail. La guerre, autrefois pratiquée seulement pour se venger d’usurpations ou pour étendre un territoire devenu insuffisant, est maintenant pratiquée en vue du seul pillage et devient une branche perma­nente d’industrie. Ce n’est pas sans motif que les murailles menaçantes se dressent autour des nouvelles villes fortifiées ; dans leurs fossés s’ouvre la tombe béante de l’organisation gentilice et leurs tours déjà s’élèvent dans la civilisation. Il en est de même à l’intérieur. Les guerres de rapine accroissent le pouvoir du chef militaire suprême comme celui des chefs subalternes ; le choix habituel de leurs successeurs dans les mêmes familles devient peu à peu, en particulier depuis l’introduction du droit paternel, une hérédité d’abord tolérée, puis revendiquée et finalement usurpée ; le fondement de la royauté héréditaire et de la noblesse héréditaire est établi. Ainsi, les organes de l’organisation gentilice se détachent peu à peu de leur racine dans le peuple, dans la gens, la phratrie, la tribu, et l’organisation gentilice tout entière se convertit en son contraire : d’une organisation de tribus, ayant pour objet le libre règlement de leurs propres affaires, elle devient une organisation pour le pillage et l’oppres­sion des voisins ; et par suite ses organismes, d’abord instruments de la volonté populaire, deviennent des organismes autonomes de domination et d’oppression envers leur propre peuple. Mais cela n’eût jamais été possible si la soif des richesses n’avait pas divisé les gentiles en riches et pauvres, si « la différence de propriété à l’intérieur de la même gens n’avait point transformé l’unité des intérêts en antagonisme des membres de la gens » (Marx) , et si l’extension de l’esclavage n’avait déjà commencé à faire considérer le fait de gagner sa vie par le travail comme une activité digne seulement des esclaves et plus déshonorante que la rapine.


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Nous sommes arrivés maintenant au seuil de la civilisation. Elle s’ouvre par un nouveau progrès dans la division du travail. Au stade le plus bas, les hommes ne produi-