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gentilice. Nous le voyons ici sur une grande échelle. Les peuples germains, maîtres des provinces romaines, devaient organiser leur conquête. Mais on ne pouvait ni adopter les masses romaines dans les groupes gentilices, ni les dominer au moyen de ceux-ci. À la tête des organismes romains d’administration locale qui, tout d’abord, continuèrent d’exister pour la plupart, il fallait mettre un substitut de l’État romain, et ce ne pouvait être qu’un autre État. Les organismes de là constitution gentilice devaient donc se transformer en organismes d’État, et cela très rapidement, sous la pression des circonstances. Mais le représentant le plus immédiat du peuple conquérant était le chef militaire. La sécurité du territoire conquis, tant extérieure qu’intérieure, exigeait que son pouvoir fût renforcé. L’instant était venu pour la transformation du commandement militaire en royauté : cette transformation s’accomplit.

Prenons l’empire des Francs. Ici, le peuple victorieux des Saliens n’avait pas eu seulement en partage la pleine possession des immenses domaines de l’État romain, mais aussi celle de tous les vastes territoires qui n’avaient pas été répartis entre les plus ou moins grandes associations de pays (Gau) et de marche, en particulier toutes les grandes étendues de forêts. La première chose que fit le roi franc, passé de simple chef militaire suprême au rang de véritable prince, ce fut de transformer cette propriété du peuple en domaine royal, de la voler au peuple et de la donner en cadeau ou en fief aux gens de sa suite. Cette suite, composée à l’origine de son escorte militaire personnelle et des autres chefs subalternes de l’armée, s’accrut bientôt de Romains, c’est-à-dire de Gaulois romanisés que leur talent de scribe, leur culture, leur connaissance de la langue vulgaire romane et de la langue latine écrite ainsi que du droit du pays lui rendirent bientôt indispensables ; mais à ceux-ci vinrent encore s’ajouter des esclaves, des serfs et des affranchis qui formaient sa cour et parmi lesquels le roi choisissait ses favoris. Des portions de la terre appartenant au peuple furent tout d’abord données à tous ces gens, la plupart du temps en cadeau, plus tard concédées sous forme de bénéfices,