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remplacée par des moutons ou des bœufs, dont la garde n’exigeait que peu d’esclaves ; soit en villas, où une foule d’esclaves faisaient de l’horticulture en grand, tant pour le luxe du propriétaire que pour la vente sur les marchés urbains. Les grands pâturages s’étaient maintenus et sans doute même agrandis ; les domaines des villas et leur horticulture avaient dépéri du fait de l’appauvrissement de leurs propriétaires et du déclin des villes. L’exploitation des latifundia, basée sur le travail des esclaves, n’était plus rentable ; mais, à cette époque, c’était l’unique forme possible d’agriculture en grand. La petite culture était redevenue la seule forme rémunératrice. L’une après l’autre, les villas furent morcelées en petites parcelles et remises à des fermiers héréditaires qui payaient une certaine somme, ou à des partiarii, gérants plutôt que fermiers, qui recevaient pour leur travail un sixième ou même seulement un neuvième du produit annuel. Mais, dans la plupart des cas, ces petites parcelles de terre furent confiées à des colons qui, en échange, payaient chaque année une somme fixe, étaient attachés à la glèbe et pouvaient être vendus avec leur parcelle ; ils n’étaient pas, à vrai dire, des esclaves, mais ils n’étaient pas libres non plus, ne pouvaient pas se marier avec des femmes de condition libre, et leurs unions entre eux n’étaient pas considé­rées comme des mariages pleinement valables, mais, ainsi que celles des esclaves, comme un simple concubinage (contubernium). Ils furent les précurseurs des serfs du Moyen Age.

L’antique esclavage avait fait son temps. Ni à la campagne dans la grande agriculture, ni dans les manufactures urbaines, il n’était plus d’un rapport qui en valût la peine — le marché, pour ses produits, avait disparu. Mais la petite culture et le petit artisanat, à quoi s’était réduite la gigantesque production des temps florissants de l’Empire, n’avaient pas de place pour de nombreux esclaves. Il n’y avait plus place, dans la société, que pour des esclaves domestiques et les esclaves de luxe des riches. Mais l’esclavage agonisant suffisait encore pour faire apparaître tout travail productif comme travail d’esclave, indigne de Romains libres, — et chacun, maintenant, avait cette qualité. De là vint, d’une part, le nombre crois­sant des affranchissements d’esclaves superflus, devenus une charge et, d’autre part, le nom­bre croissant, ici des colons, là des hommes libres tombés