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fils comme gage d’un serment, et que ce fils mourût, victime du parjure de son père, celui-ci n’en devait compte qu’à soi-même. Mais si c’était le fils d’une sœur qui était sacrifié, cela constituait une violation du droit gentilice le plus sacré ; le parent gentilice le plus proche, celui qui avait avant tout autre l’obligation de protéger l’enfant ou le jeune homme, avait causé sa mort ; ou bien il n’aurait pas dû le donner comme otage, ou bien il devait tenir ses engagements. N’eussions-nous pas une seule autre trace de l’organisation gentilice chez les Germains, cet unique passage suffirait.

[Un passage de la Völuspâ, chant norois sur le crépuscule des dieux et la fin du monde, est encore plus décisif, parce que postérieur d’environ huit siècles. Dans cette «vision de la prophétesse», dans laquelle s’entremêlent aussi des éléments chrétiens, comme cela a été prouvé par Bang et Bugge, il est dit, quand est décrite l’époque de dépravation et de corruption générale qui prélude à la grande catastrophe :


« Broedhr munu berjask
munu systrungar
ok at bönum verdask,
sifjum spilla. »

« Les frères se feront la guerre et deviendront les meurtriers les uns des autres, des enfants de sœurs briseront leur communauté familiale. » Systrungr veut dire « le fils de la sœur de la mère » ; et que ceux-là renient leur parenté consanguine semble au poète une aggra­vation du crime même de fratricide. L’aggravation est exprimée par le mot de systrungar, qui souligne la parenté du côté maternel ; s’il y avait à la place syskina-börn, enfants de frères et sœurs, ou syskina-synir, fils de frères et soeurs, la deuxième ligne du texte ne constituerait pas une gradation par rapport à la première, mais l’affaiblirait au con­traire. Donc, même au temps des Vikings, où fut créée la Völuspâ, le souvenir du droit maternel n’était pas encore effacé en Scandinavie.]

D’ailleurs, au temps de Tacite, le droit maternel avait déjà été supplanté par le droit paternel, [du moins] chez les Germains [