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Mais, si les deux partenaires avaient vécu sept ans ensemble, ils étaient mari et femme, même sans mariage formel préalable. La chasteté des filles avant le mariage n’était ni gardée, ni exigée rigoureusement ; les dispositions à ce sujet sont de nature fort légère et ne répondent absolument pas à la morale bourgeoise. Si la femme commettait un adultère, le mari avait le droit de la battre (un des trois cas où il lui était permis de le faire ; en toute autre circonstance, il encourait une peine), mais, ensuite, il ne pouvait exiger aucune autre satisfaction, car « il doit y avoir, pour un même délit, expiation ou vengeance, mais non les deux à la fois ». Les raisons pou. lesquelles la femme pouvait exiger le divorce sans rien perdre de ses droits lors de la séparation étaient d’ample nature : la mauvaise haleine du mari suffisait. La rançon payable au chef de tribu ou roi pour le droit de première nuit (gobr merch, d’où le nom moyenâgeux de marcheta, en français marquette) joue un grand rôle dans le code. Les femmes avaient droit de vote dans les assemblées du peuple. Ajoutons qu’en Irlande des conditions analogues sont attestées ; que, là aussi, les mariages à temps limité étaient chose courante et qu’en cas de divorce on assurait à la femme de grands avantages exactement pres­crits, et même une indemnité pour ses services domes­tiques ; qu’il y apparaît une « première femme » à côté d’autres femmes et que, lors du partage des successions, il n’est fait aucune différence entre enfants légitimes et naturels, — et nous avons ainsi une image du mariage apparié auprès de laquelle semble sévère la forme de mariage usitée en Amérique du Nord, mais qui ne peut surprendre, au XIe siècle, chez un peuple qui, au temps de César, pratiquait encore le mariage par groupe.

La gens irlandaise (sept ; la tribu s’appelle clainne, clan) est confirmée et décrite non seulement par les vieux livres de droit, mais aussi par les juristes anglais du XVIIe siècle envoyés pour transformer le territoire des clans en domaines du roi d’Angleterre. jusqu’à cette dernière époque, le sol était propriété commune du clan ou de la gens, dans la mesure où les chefs n’en avaient pas déjà fait leurs domaines particuliers. Quand un membre de la gens venait à mourir, donc quand une économie domestique disparaissait, le chef (les juristes anglais l’appelaient caput cognationis) procédait à un nouveau partage de tout le territoire entre les économies domestiques restantes. Ce partage