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Magars et les Munnipuris. Récemment, M. Kovalevski l’a découverte et décrite chez les Pchaves, les Chevsures, les Svanètes et autres tribus caucasiennes]. Nous ne donnerons que quelques brèves indications sur [l’existence de] la gens chez les Celtes et les Germains.

Les plus anciennes lois celtiques qui nous sont parvenues nous montrent encore la gens en pleine vitalité ; en Irlande, elle vit encore de nos jours, du moins instinctivement, dans la conscience populaire, après avoir été violemment détruite par les Anglais ; en Écosse, elle était encore en pleine floraison vers le milieu du siècle dernier, et ici encore, elle ne succomba qu’aux armes, à la législation et aux tribunaux des Anglais.

Les antiques lois galloises qui furent consignées par écrit plusieurs siècles avant la conquête anglaise, pendant le XIe siècle au plus tard témoignent encore que des villages entiers travaillaient en commun leurs champs, bien qu’il ne s’agisse là que de survivances exceptionnelles d’une coutume autrefois générale ; chaque famille avait cinq acres de terre qu’elle travaillait pour son propre compte ; à côté de cela, un domaine était cultivé en commun et le produit en était partagé. L’analogie entre l’Irlande et l’Écosse ne permet pas de douter que ces communautés de village représentent des gentes ou des subdivisions de gentes, même si une nouvelle étude des lois galloises, à laquelle je n’ai pas le temps de procéder (mes extraits datent de 1869), ne devait pas en apporter la preuve directe. Mais ce que prouvent directe­ment les documents gallois et, avec eux, les documents irlandais, c’est qu’au XI° siècle le manage apparié n’avait pas du tout été supplanté, chez les Celtes, par la monogamie. Au pays de Galles, un mariage ne devenait indissoluble, ou plutôt irrésiliable, qu’au bout de sept ans. Ne manquât-il aux sept années que trois nuits, les époux pouvaient se séparer. Alors, on procédait au partage : la femme faisait les parts, l’homme choisissait la sienne. Les meubles étaient partagés selon certaines règles fort humoristiques. Si c’était l’homme qui rompait le mariage, il devait rendre à la femme sa dot et quelque chose en plus ; si c’était la femme, sa part était moindre. L’homme emmenait deux enfants, la femme, un, celui qui était entre les deux. Si la femme, après son divorce, prenait un autre mari, et que le premier vînt la reprendre, elle devait le suivre, même si elle avait déjà un pied dans le nouveau lit conjugal.