Page:Karl Marx et Friedrich Engels - Œuvres choisies en deux volumes, tome II, 1955.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée

de chef d’armée, ou du pouvoir de président de tribunal exécutant un jugement. La charge de rex n’était pas héréditaire ; il était, au contraire, élu d’abord par l’assemblée des curies, probablement sur la proposition de son prédécesseur, puis solennelle­ment intronisé dans une seconde assemblée. Il pouvait aussi être destitué, comme le prouve le destin de Tarquin le Superbe.

Comme les Grecs au temps des héros, les Romains au temps des prétendus « rois » vivaient donc en une démocratie militaire issue des gentes, phratries et tribus, sur lesquelles elle était basée. Les curies et les tribus avaient beau être en partie des formations artificielles, elles étaient modelées sur les prototypes véritables et spontanés de la société d’où elles étaient issues et qui les entourait encore de toutes parts. Même si la noblesse patricienne spontanée avait déjà gagné du terrain, même si les reges tentaient peu à peu d’élargir leurs attributions, cela ne change pas le caractère fondamental originel de la constitution, et c’est ce caractère seul qui importe.

Entre temps, la population de la ville de Rome et du territoire romain agrandi par conquête s’accroissait, en partie par l’immigration, en partie par les habitants des régions soumises, latines pour la plupart. Tous ces nouveaux sujets de l’État (nous laisserons de côté la question des clients) étaient en dehors des anciennes gentes, curies et tribus, ne faisaient donc pas partie du populus romanus, du peuple romain proprement dit. Ils étaient personnellement libres, pouvaient posséder des biens fonciers, devaient payer leurs impôts et remplir leurs obligations militaires. Mais ils ne pouvaient occuper aucune charge ; ils ne pouvaient participer ni à l’assemblée des curies, ni à la distribution des terres conquises par l’État. Ils formaient la plèbe, exclue de tous les droits publics. Par leur nombre toujours croissant, leur formation et leur équipement militaires, ils devinrent une puissance menaçante en face de l’ancien populus, désormais irrévocablement fermé à tout accroissement de l’extérieur. À cela s’ajoutait le fait que la propriété foncière semble avoir été répartie assez également entre le populus et la plèbe, tandis que la richesse marchande et industrielle, qui d’ailleurs n’était guère développée encore, semble avoir été surtout aux mains de la plèbe.

Dans la grande obscurité qui enveloppe l’histoire primitive, toute légendaire, de Rome (obscurité qui est considérablement accrue par les essais d’interprétation et les récits pragmatico­-