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de ce mariage, elle serait passée dans la gens du mari, com­me Mommsen, lui aussi, l’admet en effet pour des cas de ce genre. Alors, tout l’enchaînement des faits s’explique aussitôt. La femme, détachée de son ancienne gens par le mariage et adoptée dans le groupe gentilice de son mari, a dans sa nouvelle gens une situation toute particulière. Elle est bien membre de la gens, mais sans aucun lien de sang ; le caractère de son adoption l’affranchit, de prime abord, de toute interdiction de se marier à l’intérieur de la gens, dans laquelle elle vient précisément d’entrer par le mariage ; de plus, elle est admise dans l’association matrimoniale de la gens ; à la mort de son mari, elle hérite de la fortune de celui-ci, donc de la fortune d’un membre de la gens. Il est donc fort naturel de vouloir que cette fortune reste dans la gens, et que la femme soit donc obligée d’épouser un parent gentili­ce de son premier mari, et personne d’autre. Et si une exception doit être faite, qui donc serait plus qualifié pour l’y autoriser que celui-là même qui lui a légué cette fortune, c’est-à-dire son premier mari ? Au moment où il lui lègue une partie de ses biens et l’autorise, en même temps, à faire passer cette partie de la fortune dans une gens étrangère, par mariage ou par suite de mariage, cette fortune lui appartient encore, il ne dispose donc littéralement que de ses biens. Quant à la femme elle-même et à ses rapports avec la gens de son mari, c’est ce dernier qui l’a introduite dans cette gens par un acte de libre volonté, — le mariage. Il semble donc naturel aussi qu’il soit la personne qualifiée pour l’autoriser à quitter cette gens par un second mariage. Bref, la chose paraît simple et va de soi, dès que nous abandonnons la singulière idée de l’endogamie de la gens romaine et que nous considérons celle-ci, avec Morgan, comme originairement exogame.

Reste encore une dernière supposition qui a trouvé, elle aussi, ses défenseurs, et sans doute les plus nombreux : le passage de Tite-Live signifierait simplement.

« que des filles affranchies (libertae) ne pourraient pas, sans autorisation spé­ciale, se marier en dehors de la gens (e gente enubere) ou entreprendre un quel­conque des actes qui, entraînant la capitis deminutio minima , aurait entraî­né du même coup la sortie de la liberta de l’association gentilice. » (LANGE : Römische Altertümer, Berlin, 1856, tome I, p. 195, où l’on se réfère à Huschke, en ce qui concerne notre passage de Tite-Live.)