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libres, entre métèques et citoyens. À son apogée, Athènes comptait au total environ 90 000 citoyens libres, y compris les femmes et les enfants, Plus 365 000 esclaves des deux sexes et 45 000 métèques — étrangers et affranchis. Pour chaque citoyen libre, on comptait donc au moins 18 esclaves et plus de deux métèques. Le grand nombre des esclaves provenait du fait que beaucoup d’entre eux travaillaient ensemble, sous le contrôle de surveillants, dans des manufactures, dans de grands ateliers. Mais avec le développement du commerce et de l’industrie vint l’accumulation et la concentration des richesses en un petit nombre de mains, l’appauvrissement de la masse des citoyens libres, auxquels il ne resta que le choix, soit de concurrencer le travail des esclaves par leur propre travail manuel — ce qui était considéré comme déshonorant, vil, et ne promettait d’ailleurs que peu de succès —, ou encore de tomber dans la gueusaille (verlumpen). Dans les circonstances données, ils adoptèrent par nécessité cette dernière solution, et, comme ils formaient la masse, ils amenèrent ainsi la ruine de l’État athénien tout entier. Ce n’est pas la démocratie qui a ruiné Athènes, comme le prétendent les cuistres européens, flagorneurs de princes, c’est l’esclavage, qui proscrivait le travail du citoyen libre.

La genèse de l’État chez les Athéniens est un exemple particulièrement caractéristique de la formation de l’État en général, d’une part, parce qu’elle s’effectue en toute pureté, sans immixtion de violence extérieure ou intérieure, — l’usurpation de Pisistrate ne laissa point trace de sa brève durée —, d’autre part, parce qu’elle fait surgir immédiatement de la société gentilice un État d’une forme très perfectionnée : la république démocratique, et enfin parce que nous en connaissons suffisamment toutes les particularités essentielles.


VI

LA GENS ET L’ÉTAT À ROME

De la légende sur la fondation de Rome, il ressort que le premier établissement fut l’œuvre d’un certain nombre de gentes latines (cent, d’après la légende), réunies en une même tri-