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Pendant ce temps, les luttes de partis suivaient leur cours ; la noblesse tâchait de recon­quérir ses anciens privilèges et reprit pour un temps le dessus, jusqu’à ce que la révolution de Clisthène (509 avant notre ère) la renversât définitivement, mais avec elle aussi le dernier vestige de l’organisation gentilice.

Dans sa constitution nouvelle, Clisthène ignora les quatre tribus anciennes, basées sur les gentes et les phratries. Une toute nouvelle organisation s’y substitua, fondée uniquement sur la répartition des citoyens déjà essayée dans les naucraries, d’après leur lieu de résidence. Ce ne fut plus l’appartenance aux groupes consanguins qui décida, mais seulement le domicile ; on subdivisa non le peuple, mais le territoire ; au point de vue politique, les habitants devinrent de simples accessoires du territoire.

Toute l’Attique fut divisée en cent dèmes ou circonscriptions de communes, dont chacune s’administrait elle-même. Les citoyens (démotes) habitant chaque demos élisaient leur chef (démarque) et leur trésorier, ainsi que trente juges ayant juridiction sur les petits différends. Ils avaient également leur propre temple et leur dieu protecteur ou leurs héros, dont ils élisaient les prêtres. L’assemblée des démotes détenait, dans le demos, le pouvoir suprême. Comme Morgan l’observe très justement, c’est le prototype de la commune urbaine d’Améri­que se gouvernant elle-même. L’unité à laquelle aboutit l’État moderne à son plus haut degré de développement fut le point de départ de l’État naissant à Athènes.

Dix de ces unités ou dèmes formaient une tribu ; mais, à la différence de l’ancienne tribu raciale, on l’appela désormais tribu locale. La tribu locale n’était pas seulement un corps politique, s’administrant lui-même, c’était aussi un corps militaire ; elle élisait le phylarque ou chef de tribu, qui commandait la cavalerie, le taxiarque, qui commandait l’infanterie, et le stratège, qui avait sous ses ordres tous les effectifs recrutés sur le territoire de la tribu. De plus, elle fournissait cinq navires de guerre avec leurs équipages et leurs commandants et recevait comme saint patron un héros de l’Attique, dont elle portait le nom. Enfin, elle élisait cinquante membres au Conseil d’Athènes.

L’aboutissant était l’État athénien, gouverné par le Conseil composé des cinq cents élus des dix tribus et, en dernière instance, par l’assemblée du peuple où chaque citoyen athénien avait