Page:Karl Marx et Friedrich Engels - Œuvres choisies en deux volumes, tome II, 1955.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’industrie urbaine, avaient créé de nouveaux organes chargés de veiller à leurs intérêts ; des fonctions de toutes sortes avaient été instituées. Et puis le jeune État avait surtout besoin d’une force propre, qui chez les Athéniens navigateurs ne pouvait être tout d’abord qu’une force navale visant à de petites guerres isolées et à la protection des bateaux de commerce. À une époque mal déterminée, mais avant Solon, furent établies les nau­craries, petites circonscriptions territoriales au nombre de douze par tribu ; chaque naucrarie devait fournir, armer et équiper un bateau de guerre et fournissait en outre deux cavaliers. Cette institution entamait doublement l’organisation gentilice. D’abord, parce qu’elle créait une force publique, qui déjà ne se confondait plus tout simplement avec l’ensem­ble du peuple armé ; et, en second lieu, parce qu’elle divisait pour la première fois le peuple à des fins publiques, non d’après les groupes de parenté, mais d’après la cohabitation locale. On verra par la suite quelle fut la portée de cette innovation.

Puisque l’organisation gentilice ne pouvait venir en aide au peuple exploité, il ne lui restait que l’État naissant. Et celui-ci vint à son secours par la constitution de Solon, tout en se renforçant encore, du même coup, au détriment de l’organisation ancienne. Solon (peu nous importe ici la façon dont fut accomplie sa réforme, en 594 avant notre ère), Solon ouvrit la série de ce qu’on appelle les révolutions politiques, et ce fut par une atteinte à la propriété. jusqu’ici, toutes les révolutions ont été des révolutions pour la protection d’un certain genre de propriété contre un autre genre de propriété. Elles ne peuvent pas protéger l’un sans léser l’autre. Dans la grande Révolution française, la propriété féodale fut sacrifiée pour sauver la propriété bourgeoise ; dans la Révolution de Solon, ce fut la propriété des créanciers qui dut faire les frais, au profit de la propriété des débiteurs. Les dettes furent simplement annulées. Nous ne connaissons pas exactement les détails ; mais Solon se vante dans ses poèmes d’avoir fait disparaître des champs endettés les stèles hypothécaires et d’avoir rapatrié les gens qui, parce qu’ils s’étaient endettés, avaient été vendus à l’étranger comme esclaves ou s’y étaient réfugiés. Ceci n’était possible que par une violation ouverte de la propriété. Et en fait, de la première à la dernière, toutes les révolutions dites politiques ont été faites pour la protection de la propriété... d’un certain genre, et