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vrai, sans effet, [puisqu’elle ne créait aucune autre différence de droit entre les classes]. Mais elle est importante, parce qu’elle nous présente les nouveaux éléments sociaux qui s’étaient développés sans bruit. Elle montre que la coutume de confier les charges gentilices à certaines familles s’était déjà transformée en un droit peu contesté de ces familles à ces fonctions ; que ces familles, puissantes d’autre part par la richesse, commençaient à se grouper en dehors de leurs gentes en une classe distincte privilégiée, et que l’État tout juste naissant consacra cette prétention. Elle montre encore que la division du travail entre les cultivateurs et les artisans était déjà assez marquée pour dispu­ter le premier rang en importance sociale à l’ancien classement par gentes et par tribus. Elle proclame enfin l’antagonisme irréductible entre la société gentilice et l’État ; la première tentative pour former l’État consiste à mettre en pièces les gentes, en divisant les membres de chacune d’elles en privilégiés et en défavorisés, et ces derniers, à leur tour, en deux classes de travailleurs, les opposant ainsi les uns aux autres.

L’histoire politique [ultérieure] d’Athènes jusqu’à Solon n’est qu’imparfaitement connue. La charge de basileus tomba en désuétude ; des archontes, choisis parmi la noblesse, furent placés à la tête de l’État. La domination de la noblesse s’accrut jusqu’à devenir intolérable, vers l’an 600 avant notre ère. Et le principal moyen d’opprimer la liberté commune, c’était... l’argent et l’usure. Le siège principal de la noblesse était à Athènes et autour d’Athènes, où le commerce maritime, en même temps que la piraterie encore pratiquée à l’occasion et par surcroît, l’enrichissait et concentrait la richesse financière entre ses mains. C’est de là que l’éco­no­mie monétaire, se développant, pénétra comme un acide dissolvant dans le mode d’exis­tence traditionnel des communautés rurales, basé sur l’économie naturelle. L’organisa­tion gentilice est absolument incompatible avec l’économie monétaire ; la ruine des petits pay­sans de l’Attique coïncida avec le relâchement des vieux liens gentilices qui les entouraient et les protégeaient. La créance et l’hypothèque (car les Athéniens avaient même déjà inventé l’hypothèque) ne respectaient ni gens, ni phratrie. Et la vieille organisation gentilice ne con­nais­sait