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chef d’une gens ». Mais la signification actuelle du mot König ne correspond absolument pas à celle du mot basileus dans l’ancienne Grèce. Thucydide qualifie expressé­ment l’ancienne basileia de « patrikê », c’est-à-dire « dérivée de gentes », et dit qu’elle avait des attributions fixes, donc limitées. Et Aristote déclare que la basileia de l’époque héroïque était un commandement exercé sur des hommes libres, et que le basileus était chef militaire, juge et grand-prêtre. Il n’avait donc pas pouvoir de gouverner, au sens ultérieur du mot.

Dans la constitution grecque des temps héroïques, nous voyons donc la vieille organisa­tion gentilice encore pleine de vie et de vigueur, mais nous y voyons déjà le commencement de sa ruine : le droit Paternel, avec transmission de la fortune aux enfants, favorise l’accumu­lation des richesses dans la famille et fait de celle-ci une puissance en face de la gens ; la diffé­rence des richesses agit en retour sur la constitution en créant les premiers rudiments d’une noblesse et d’une royauté héréditaires ; l’esclavage, limité tout d’abord aux prisonniers de guerre, ouvre déjà la perspective de l’asservissement des membres mêmes de la tribu, et même des membres de sa propre gens ; l’ancienne guerre de tribu à tribu dégénère, dès cette époque, en brigandage systématique sur terre et sur mer pour conquérir du bétail, des esclaves, des trésors, donc en source normale de profit ; bref, la richesse est prônée et estimée comme bien suprême, et les anciennes règles gentilices sont profanées pour justifier le vol des richesses par la violence. Il ne manquait plus qu’une seule chose ; une institution qui non seulement protégeât les riches­ses nouvellement acquises par les particuliers contre les tradi­tions communistes de l’ordre gentilice, qui non seulement sanctifiât la propriété privée si méprisée autrefois et