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Ainsi, d’après Grote, «tous les membres contemporains de la phratrie d’Hécatée avaient comme ancêtre un seul et même dieu, au seizième degrés » ; toutes les gentes de cette phratrie étaient donc littéralement des gentes-sœurs. La phratrie apparaît encore comme une unité militaire chez Homère, dans ce passage fameux où Nestor donne ce conseil à Agamemnon : « Range les hommes par tribus et par phratries ; que la phratrie seconde la phratrie, et que la tribu appuie la tribus. » — À part cela, elle a le droit et le devoir de venger le meurtre dont un phrator a été victime ; elle avait donc, dans les temps antérieurs, l’obliga­tion de la vendetta. Elle a, en outre, des fêtes et des sanctuaires communs ; d’ailleurs, la for­ma­tion de toute la mythologie grecque à partir du culte de la nature hérité des vieux Aryens suppose essentiellement les gentes et les phratries, et s’est produite dans leur sein. De plus, la phratrie a un chef (phratriarchos) et aussi, d’après Fustel de Coulanges, des assem­blées dont les décrets ont force de loi, une juridiction et une administration. Plus tard, l’État lui-même, qui ignorait la gens, laissait à la phratrie l’exercice de certaines fonctions publiques.

La tribu se compose de plusieurs phratries parentes. En Attique, il y avait quatre tribus, chacune de trois phratries, et chacune des phratries comptait trente gentes. Une telle délimi­tation des groupes suppose une ingérence consciente et méthodique dans l’ordre qui s’était constitué tout spontanément. Comment, quand et pourquoi cette ingérence eut lieu, l’histoire grecque n’en dit rien, et les Grecs eux-mêmes n’avaient gardé mémoire de leur passé qu’à dater des temps héroïques.

Chez les Grecs rassemblés sur un territoire relativement petit, les variations dialectales étaient moins développées que dans les vastes forêts américaines ; mais ici aussi, nous ne trouvons réunies en un tout plus grand que des tribus de même langue principale, et, jusque dans la petite Attique, nous trouvons un dialecte particulier qui devint ensuite le dialecte prédominant comme langue commune de la prose.

Dans les poèmes homériques, les tribus grecques sont déjà réunies le plus souvent en petits peuples, à l’intérieur desquels cependant gentes, phratries et tribus gardaient encore leur autonomie. Ces peuples habitaient déjà des villes fortifiées de murailles ; le chiffre de la population augmentait avec l’extension des troupeaux, de l’agriculture et les débuts de l’arti­sa­nat ; en