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gens est une réalité ; et, finalement, on lit chez Grote ce qui suit (avec des remarques de Marx intercalées) :

« Nous n’entendons que rarement parler de cet arbre généalogique, parce qu’il n’est évoqué en public que dans certains cas particulièrement solennels. Mais les gen­tes plus humbles, tout comme les plus célèbres, avaient leurs pratiques reli­gieuses communes [chose étrange, monsieur Grote !], un ancêtre surnaturel et un arbre généalogique communs [voilà qui est surprenant, monsieur Grote, chez les gentes plus humbles !]. Le plan fondamental et la base idéale [non pas idéale, cher monsieur, mais charnelle, germanice fleischlich !] étaient les mêmes pour toutes les gentes. »

Marx résume comme suit la réponse que donne Morgan :

«Le système de consanguinité correspondant à la gens dans sa forme primitive — et les Grecs l’avaient possédé jadis, tout comme d’autres mortels, — conservait la connaissance des degrés de parenté de tous les membres des gentes entre eux. Ce fait, d’une importance décisive pour eux, ils l’apprenaient par la pratique, dès l’enfance. Avec la famille monogamique, cela tomba dans l’oubli. Le nom gentilice créa un arbre généalogique auprès duquel celui de la famille conjugale parut insignifiant. C’est ce nom qui devait désormais attester que ceux qui le por­taient avaient une commune origine ; mais l’arbre généalogique de la gens remon­tait si haut que ses membres ne pouvaient plus prouver leur réelle parenté réci­proque, sauf dans un nombre restreint de cas, à propos d’ascendants com­muns de plus fraîche date. Le nom lui-même était une preuve de l’origine commu­ne, et une preuve définitive, excepté pour les cas d’adoption. Opposer à cela une négation effective de toute parenté entre les gentiles, comme le font Grote et Niebuhr, qui ont transformé la gens en une création purement imaginaire et fictive, c’est bien digne d’érudits « idéaux », c’est-à-dire qui ne sortent jamais de chez eux. Parce que l’enchaînement des lignées, surtout depuis l’avènement de la monogamie, recule dans le lointain, et que la réalité passée se reflète dans les chimères mythologiques, de braves philistins en conclurent et en concluent toujours que l’arbre généalogique imaginaire a créé des gentes réelles ! »

Tout comme chez les Américains, la phratrie était une gens-mère scindée en plusieurs gentes-filles qu’elle unissait, et que souvent encore elle faisait descendre toutes d’un ancêtre commun.