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qui leur incombent englobe l’ensemble des affaires publiques du barbare appartenant au stade inférieur. Donc, partout où nous trouvons chez un peuple la gens comme unité sociale, nous pourrons également cher­cher une organisation de la tribu semblable à celle que nous avons décrite ; et si nous dispo­sons de sources suffisantes, comme chez les Grecs et les Romains, non seulement nous trou­ve­rons cette organisation, mais aussi nous nous convaincrons que, là où les sources nous font défaut, la comparaison avec la constitution sociale américaine nous aide à démêler les doutes et les énigmes les plus difficiles.

Et avec toute son ingénuité et sa simplicité, quelle admirable constitution que cette orga­ni­sation gentilice! Sans soldats, gendarmes ni policiers, sans noblesse, sans rois ni gouver­neurs, sans préfets ni juges, sans prisons, sans procès, tout va son train régulier. Toutes les querelles et toutes les disputes sont tranchées par la collectivité de ceux que cela concerne, la gens ou la tribu, ou les différentes gentes entre elles, — c’est seulement comme moyen extrê­me, et rarement appliqué, qu’intervient la menace de vendetta, dont notre peine de mort n’est d’ailleurs que la forme civilisée, nantie de tous les avantages et de tous les inconvénients de la civilisation. Bien que les affaires communes soient en nombre beaucoup plus grand que de nos jours, — l’économie domestique est commune et communiste dans une série de familles, le sol est propriété de la tribu, seuls les petits jardins sont assignés provi­soi­rement aux ménages, — on n’a quand même nul besoin de notre appareil administratif, vaste et compliqué. Les intéressés décident et, dans la plupart des cas, un usage séculaire a tout réglé préalablement. Il ne peut y avoir de pauvres et de nécessiteux — l’économie domestique communiste et la gens connaissent leurs obligations envers les vieillards, les malades, les invalides de guerre. Tous sont égaux et libres — y compris les femmes. Il n’y a pas encore place pour des esclaves, pas plus qu’en général pour l’asservissement de tribus étrangères. Quand. les Iroquois, vers 1651, eurent vaincu les Ériés et la « Nation neutre », ils leur offrirent d’entrer avec des droits égaux dans la confédération ; c’est seulement