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Par contre, elle avait deux chefs de guerre suprêmes, avec mêmes attributions et même pouvoir (les deux trois» des Spartiates, les deux consuls à Rome).

C’est là toute la constitution publique sous laquelle les Iroquois vécurent et vivent encore depuis plus de quatre cents ans. je l’ai retracée en détail, d’après Morgan, parce que nous avons ici l’occasion d’étudier l’organisation d’une société qui ne connaît pas encore l’État. L’État suppose un pouvoir public particulier, séparé de l’ensemble des citoyens qui le compo­sent, et Maurer, qui reconnaît avec un sûr instinct la constitution de la marche (Mark) germa­ni­que comme une institution purement sociale de nature, essentiellement différente de l’État, bien qu’elle soit appelée à en fournir plus tard la base principale, — Maurer étudie en consé­quence, dans tous ses écrits, la formation progressive du pouvoir public à partir et à côté des constitutions primitives des marches, des villages, des seigneuries et des villes. Nous voyons, chez les Indiens de l’Amérique du Nord, comment une peuplade, unie à l’origine, se répand peu à peu sur un immense continent ; comment des tribus, en se scindant, deviennent des peuples, des groupes entiers de tribus ; comment les langues se transforment non seule­ment jusqu’à devenir incompréhensibles entre elles, mais aussi jusqu’à ce que disparaisse presque toute trace de leur unité primitive ; comment, par ailleurs, au sein des tribus, les différentes gentes se scindent en plusieurs tronçons, les gentes-mères se maintiennent en tant que phratries, et comment les noms de ces plus anciennes gentes se perpétuent dans des tribus fort éloignées les unes des autres et depuis longtemps séparées, — le Loup et l’Ours sont encore des noms gentilices dans la majorité des tribus indiennes. Et la constitution précé­dem­ment décrite s’applique en général à toutes ces tribus, — à cette différence près que beaucoup d’entre elles ne sont pas arrivées jusqu’à la confédération entre tribus parentes.

Mais nous voyons aussi à quel point, une fois la gens donnée comme unité sociale, toute la constitution des gentes, des phratries et de la tribu se développe à partir de cette unité avec une nécessité presque inéluctable — parce que naturelle. Toutes trois sont des groupes de consanguinité à des degrés différents, chacun formant un tout et réglant ses propres affaires, mais chacun complétant aussi l’autre. Et le cercle des affaires